CoFaber a interviewé Patrice Wolff, président de Turbobrise, entreprise strasbourgeoise qui distribue en France les ventilateurs de plafond de la marque Big Ass Fans. M. Wolff était justement aux États-Unis lors de notre entretien pour rencontrer ce constructeur basé dans le Kentucky.
Depuis 1999, Big Ass Fans conçoit et fabrique aux États-Unis des ventilateurs de plafond de technologie HVLS (High Volume, Low Speed) au design moderne, durables, et qui intègrent tout ce qu’on peut imaginer comme fonctionnalités domotiques. Turbobrise est aujourd’hui une entreprise de sept salariés qui travaille principalement avec les architectes et bureaux d’étude.
CoFaber : Comment en êtes-vous arrivé à créer un partenariat avec le fabricant Big Ass Fans pour vendre leurs produits en France ?
Patrice Wolff : Initialement, je viens du monde de la restauration et des boissons. J’ai travaillé assez longtemps chez Pernod Ricard et chez Pommery. J’avais créé une entreprise de distribution de brumisateurs pour les terrasses de restaurants, principalement en Allemagne et dans l’Est de la France. En faisant ça, des clients allemands sont venus vers moi en me en disant : « On a vu vos produits dans un restaurant, cela nous plaît. Nous avons une usine de métallurgie où il fait très chaud et on souhaiterait rafraîchir une grande zone ». Je suis allé visiter les lieux, c’était énorme, il y avait plus de 1 000 m2. Sachant qu’un brumisateur couvre 10 m2 ou 15 m2 à tout casser, il en aurait fallu une centaine, ce qui aurait été hors de prix.
Peu de temps après, j’étais en vacances en République Dominicaine et j’ai vu par hasard à l’aéroport de Punta Cana ces énormes brasseurs qui rafraîchissaient les voyageurs. Après m’être tordu le cou en essayant de regarder ce qu’il y avait de marqué sur le ventilateur qui tournait, j’ai trouvé les coordonnées de l’entreprise et l’ai contactée pour demander s’ils avaient un représentant en Europe chez qui on pouvait acheter ce ventilateur, vu que j’avais de la demande. Ils m’ont dit que non et du coup je leur ai proposé de distribuer leurs produits. C’est comme ça que cela a commencé il y a maintenant 15 ans.
Ventilateurs de plafond Powerfoil® à l'aéroport de Punta Cana
C : Ce qui m’a interpellé en voyant ces produits, c’est qu’on ne pense pas forcément « technologie » quand on voit un vulgaire ventilateur qui tourne. Comment faites-vous pourtant pour vendre le côté technologique de vos produits ?
PW : L’entreprise a été créée à la fin des années 90 dans le Kentucky par Carey Smith qui a souhaité exploiter la technologie HVLS (High Volume, Low Speed = Grand Volume, Faible Vitesse) développée par une autre entreprise californienne. Le gars a pris un risque en voulant commercialiser un produit considéré un peu comme désuet et qui ne se vendait plus tellement pour climatiser des locaux. L’idée de la technologie HVLS est de faire circuler un maximum d’air à une vitesse relativement lente, par rapport par exemple à des petits ventilateurs sur pied qui tournent à une vitesse rapide et qui font des courants d’air très violents. Là, on veut créer un courant d’air harmonieux et non violent.
Carey Smith a commercialisé ses produits dans un premier temps auprès des éleveurs, spécialement ceux qui ont des vaches laitières. Dans la partie chaude des États-Unis, on se rend compte que les vaches produisent moins de lait quand il fait chaud. L’éleveur qui investissait dans les ventilateurs Big Ass Fans voyait une amélioration de son rendement et donc un vrai retour sur investissement au bout de deux ou trois ans.
Ventilateurs de plafond Powerfoil® à l'aéroport de Barcelone
Ensuite, Carey Smith est passé aux usines et aux entrepôts en se disant « si cela marche sur des vaches, ça peut aussi augmenter la productivité des gens qui travaillent dans des endroits très chauds ». Plus tard encore, il est allé un peu plus vers le Nord des États-Unis en exploitant la « déstratification » qu’on pouvait faire avec ces appareils : en période de chauffe, on va récupérer l’air chaud qui est coincé sous le plafond des halls d’usine ou d’entreposage pour le faire redescendre vers le sol et ainsi générer des économies de chauffage.
L’étape d’après a consisté à rapetisser le produit pour s’intéresser aux espaces tertiaires et espaces commerciaux, magasins, restaurants, hôtels, … La dernière étape a été de passer à des ventilateurs domestiques, en comprenant bien que sur ce marché très concurrentiel, il fallait que l’entreprise apporte un vrai plus.
Pour en revenir sur l’aspect technologique, sur le plan mécanique déjà, les flux générés par les appareils ont été optimisés en travaillant sur la forme des pales. Celles-ci ont été étudiées en soufflerie pour avoir les meilleurs rendements possibles entre l’électricité consommée et les mouvements d’air. Ensuite, l’entreprise a investi sur la solidité des produits ; ce sont des produits extrêmement robustes. Avec le développement de technologies de communication plus récentes, l’entreprise a aussi investi sur la possibilité de piloter tous ces appareils grâce à toute une batterie de capteurs qui gèrent leurs paramètres de fonctionnement. Certains modèles ont des détecteurs de présence, d’autres se pilotent depuis un smartphone, … Voilà donc les avantages produit qui justifient qu’on existe et qu’on soit positionné sur la partie premium du marché.
Ventilateur de plafond Essence® en usage extérieur
C : Vous avez parlé de « déstratification » pour faire descendre l’air chaud vers le sol. Qu’est-ce qui fait que seuls les ventilateurs Big Ass Fans peuvent réaliser ce processus et servir donc aussi à mieux chauffer une pièce ?
PW : Le problème des autres ventilateurs de plafond, c’est que souvent les pales sont trop courtes pour brasser efficacement et faire redescendre l’air chaud. La conception des pales de nos ventilateurs permet de faire descendre efficacement l’air chaud par rotation lente des pales en hiver. Il faut savoir qu’en moyenne, pour une hauteur standard de 2,50 m en appartement, on peut constater facilement un écart de 2°C à 3°C entre le sol et le plafond !
C : Je vois que vous proposez 4 produits principaux sur votre site français www.turbobrise.com. Quel est celui qui est le plus adapté aux particuliers ?
PW : Nous avons effectivement aujourd’hui en France une offre de 4 produits sachant que l’offre est beaucoup plus large aux États-Unis, dans la mesure où le marché est beaucoup plus mûr. Les Américains ont l’habitude de mettre des ventilateurs en général, qu’il fasse chaud ou qu’il fasse froid, tout simplement pour bien répartir la température de l’air dans des gros volumes.
Le ventilateur Haiku® est le plus adapté aux particuliers pour une question de taille et aussi pour une question de budget. Les autres ventilateurs ont 8 pales avec des diamètres de 2,40 m minimum et coûtent tout de même plus de 5 000 € HT pour les moins chers. Je ne connais pas de particuliers qui auraient un tel budget ! En revanche, les brasseurs Haiku® se vendent en 1,30 m, 1,50 m ou 2,10 m de diamètre et le premier modèle est un peu en dessous de 900 € HT. Cela reste un gros investissement à l’achat, mais il s’agit d’un investissement à très long terme, sur 20 ans. Investir 1 000 € sur 20 ans, ce n’est vraiment rien quand on compare à un ventilateur à 300 € qui va tenir peut-être 3 ans puis qui va lâcher.
Ventilateur de plafond Essence® dans un restaurant
C : Comment est-ce que les produits sont conditionnés pour la vente aux particuliers ?
PW : Les produits sont vendus en kit et peuvent être installés facilement. Ensuite, soit les gens les installent eux-mêmes soit ils les font installer par un électricien. Le niveau de difficulté est équivalent à l’installation d’un éclairage électrique, c’est très bien expliqué dans la notice, bien pensé. Nous avons des équipes d’installateurs chez Turbobrise, mais c’est plutôt pour des gros appareils.
C : Quelle est votre typologie de clients particuliers ?
PW : À ce jour, les particuliers sont ce qu’on appelle en Anglais les « early adopters » ou « primo-adoptants » si on veut traduire en français. Ce sont les mêmes qui vont acheter le dernier iPhone ou dernier Samsung, et qui savent effectivement que le Haiku® est ce qui se fait de mieux en termes de ventilation à domicile aujourd’hui. En plus, c’est un bel objet, ce qui est rare pour un ventilateur. On a des Haiku® qui sont avec des finitions en aluminium poli, en aluminium brossé ou en bambou compacté. On touche donc une clientèle particuliers qui aime le beau, l’efficace, qui veut renvoyer une certaine image d’elle-même. Un ventilateur au milieu d’un salon, c’est quelque chose qu’on voit ! Tout comme « j’ai telle voiture », « j’ai telle montre » et « j’ouvre telle bouteille de whisky pour vous faire plaisir », on pourra ajouter « j’ai tel ventilateur dans mon salon quand je vous reçois ».
Récemment, j’ai eu le cas d’une personne sur Paris qui a acheté deux ventilateurs ; un premier avec des pales en bambou compressé clair et mât blanc parce que ça allait bien avec la décoration de son salon et un second pour sa chambre à coucher, le même modèle mais avec des pales en bambou compressé chocolat. Il en est ravi. Il a aussi mis un bloc d’éclairage à l’intérieur. Typiquement, les gens se disent « je sais que cela va me coûter cher, donc tant qu’à investir, je veux quelque chose qui soit vraiment très beau et qui me plaît ».
Il faut savoir que chaque Haiku® est équilibré individuellement dans une chambre acoustique par un équilibreur. Il y a 4 à 6 micros dans la chambre et l’équilibreur avec son casque sur les oreilles va ainsi pouvoir vérifier le parfait équilibre du produit. Comme tout matériel haut de gamme, cela a donc un prix. Le marché du particulier reste à ce jour un marché de niche.
Ventilateur de plafond Haiku®, finition aluminium poli
C : Quel est le segment de marché le plus porteur actuellement ?
PW : Nous avons un segment qui se développe bien, c’est le tertiaire. On a par exemple équipé le bâtiment de la French Tech à côté de la Gare de Lyon Perrache sous le pilotage du cabinet d’architectes Vurpas. Le bâtiment a complètement été refait avec une enveloppe intérieure pour en faire un bâtiment à haute performance énergétique. Le parti pris de l’architecte a été de ne pas climatiser et d’utiliser un minimum de chauffage. Terminé en janvier 2019, le bâtiment a traversé une partie de l’hiver plus deux vagues de canicules sans aucune gêne pour ses occupants.
Les bâtiments non climatisés dans lesquels on apporte un confort thermique, c’est quelque chose sur lequel on mise beaucoup pour le futur. On pourra aussi intervenir sur des bâtiments déjà climatisés dans lesquels on pourrait faire baisser la consommation d’énergie.
Ventilateur de plafond Powerfoil® dans un stade
C : Est-ce que vous passez ou souhaiteriez passer par des entreprises de travaux pour vendre et promouvoir vos produits ?
PW : Oui, bien sûr, on est tout à fait pour ! On est aussi pour passer par des architectes d’intérieur et aussi des boutiques type Roche Bobois… tout ce qui touche l’univers de la décoration et de l’architecture intérieure ou de l’électricité et du confort thermique. On est même très demandeurs !
C : En quoi est-ce que vous investissez le plus pour l’acquisition et le développement de votre clientèle ?
PW : On en est aujourd’hui vraiment au stade de l’architecte et du bureau d’études. L’achat de nos produits rentre dans le cadre de leur réflexion sur la ventilation, le chauffage et la climatisation. Il y a vraiment un travail d’éducation à faire car ce n’est pas encore dans les habitudes. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas encore mis en avant les produits destinés aux particuliers sur mon site web. Même sur le plan du référencement internet, on ne souhaite pas arriver en tête sur le mot clé « ventilateur » car on sait que le prix de nos produits haut de gamme va très souvent être un frein.
On va être présents au Salon des Maires et des Collectivités Locales parce qu’on pense qu’on peut apporter énormément pour des gymnases, des piscines municipales, des salles polyvalentes, etc. Les maires et les collectivités gèrent des bâtiments construits dans les années 60 -70 qui étaient très bien pour le climat de l’époque mais ils se retrouvent aujourd’hui avec des gens qui se plaignent de la chaleur en été, des écoles qu’on doit fermer parce qu’il fait 35°C dans les classes et ils n’ont pas le budget pour y mettre la climatisation.
Les produits Big Ass Fans, c’est un investissement de départ qui peut sembler important pour beaucoup de gens, mais c’est un investissement qui tient vraiment dans le temps. Ce sont des ventilateurs qui valent peut-être 3 à 4 fois plus cher que ceux de nos concurrents mais qui ont une durée de vie absolument énorme ; puis une fois qu’on les a installés, il n’y a quasiment plus de coûts. Ils ne consomment pratiquement rien en électricité. En termes d’entretien, contrairement à une climatisation ou à un chauffage, il n’y a rien à faire à part enlever la poussière sur les pales de temps en temps. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que ces produits sont éligibles à des certificats d’économie d’énergie.
C : Est-ce que ces produits sont vraiment fabriqués aux États-Unis ?
PW : Tous à l’exception du produit d’entrée de gamme, le Haiku® modèle L de 1m30 de diamètre, qui est fabriqué en Malaisie.
C : Vous est-il arrivé d’avoir des grosses commandes ?
PW : Oui, par exemple dans le cas du bâtiment de la French Tech, ils ont pris une cinquantaine d’appareils et je suis en ce moment sur un dossier avec presque 400 appareils. C’est pour des plateaux de bureaux où l’architecte n’a pas souhaité avoir de climatisation, mais uniquement de la ventilation.
C : Comment vivez-vous les relations commerciales avec votre grand partenaire américain, Big Ass Fans, et la différence de culture outre-Atlantique ?
PW : Au début, c’était une catastrophe ! C’est aussi l’intérêt du partenariat car si cela avait été facile, je pense qu’il y aurait eu déjà 10 distributeurs en France. Quand j’ai commencé à travailler avec eux, c’était une entreprise américaine, point final. Le fait d’avoir des normes européennes et des gens qui parlaient plein de langues différentes en Europe, c’est tout ce qui ne les intéressait pas. Depuis un an, il y a de nouveaux propriétaires dans la société et les relations se sont bien améliorées. Maintenant, j’aime beaucoup travailler avec eux.
Outil numérique de simulation et modélisation des flux d'air
C : Y a-t-il un nouveau produit ou service en cours de développement ?
PW : Nous avons depuis 6 mois un super outil de modélisation que nos amis américains ont développé. C’est vraiment génial : on prend le plan d’un logement, on y positionne éventuellement le mobilier et avec cela on peut faire une simulation 3D des flux. Cela permet de sélectionner les bons appareils pour offrir la bonne solution à nos clients et aussi de simuler le flux d’air produit avant installation.
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