Perle d’Ébène : la jeune entreprise d’ébénisterie qui monte à Lacanau (33)

 

CoFaber : Vous êtes combien chez Perle d’Ebène ?

Aurélie Plessis : Nous sommes deux cogérants : Maxime, qui est ébéniste, et moi-même. Nous avons aussi deux apprentis et un salarié ébénistes. Avec Maxime, nous avons des rôles très séparés. Lui, c’est l’artisan qui va être au contact client dès le départ. Il va établir les chiffrages, préparer les échantillons et réaliser les croquis. Moi derrière, je mets en forme et envoie les devis. Ensuite, c’est à nouveau Maxime qui passe à l’étape de production une fois que le devis est accepté, puis va effectuer la pose chez le client. Je gère aussi la comptabilité et la communication.

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C : et les apprentis, vous pensez les employer après j’imagine ?

AP : Cela ne dépend pas que de nous, mais aussi d’eux, sachant que nous allons plus les pousser à continuer leur apprentissage dans d’autres entreprises pour qu’ils découvrent et apprennent différentes choses. Le mieux, c’est qu’ils voient autre chose… puis qu’ils reviennent !

 

C : Vu l’endroit où vous êtes, je suppose que vous devez beaucoup travailler pour des résidences secondaires ou à vocation touristique ?

AP : Eh bien, on travaille surtout pour des résidences principales et on est en train de développer les offres pour les professionnels. On travaille beaucoup en ce moment pour le casino de Lacanau (33) et on a des projets en cours avec plusieurs restaurants sur Bordeaux.

 

Table en chêne massif et medium laqué blanc, une création de Maxime Gaglini.

 

C : Quelle est votre typologie de clients particuliers ? c’est le haut de gamme ?

AP : Oui, c’est du haut de gamme, mais du haut de gamme qui reste abordable. Forcément, l’ébénisterie en elle-même est une qualité, mais si vous regardez les prix, on est régulièrement moins chers que certaines chaînes de mobilier, alors que nous faisons des pièces sur-mesure et pensées pour le client.

 

C : L’ébénisterie ne concerne pas que le bois d’ébène, tout le monde le sait, mais c’est quoi exactement ?

AP : C’est la conception et la réalisation de mobilier en bois dans les règles de l’art et suivant les traditions du métier. Cela concerne surtout l’assemblage, avec l’utilisation de tenons-mortaises, le fait de limiter au maximum l’emploi de colles et d’éléments filetés comme les vis. Ça touche aussi au plaquage bois : en ébénisterie, on ne se contente pas de plaquer directement, on alèse [NDLR : aléser signifie réhausser les bords] de manière à protéger la pièce pour obtenir une qualité et une durabilité supérieures.

 

C : Qu’est-ce qu’on va retrouver comme bois le plus souvent en ébénisterie ?

AP : Le plus classique, ça reste le chêne. C’est un bois dur, qui est vraiment bien au niveau du rapport qualité/prix. On peut utiliser aussi bien du bois traditionnel que du bois exotique. En bois traditionnel, on peut citer le châtaignier, le sycomore, le frêne, … en bois exotique, le sipo, le padouk, le sapelli, … on s’adapte au rendu souhaité par le client. En plus de la nature du bois, s’ajoutent les variations dans les teintes ainsi que des effets de finition avec par exemple l’effet vieilli ou l’effet classique-chic. En ce moment par exemple, je suis en train de faire un devis avec de l’okoumé…

 

Habillage bois pour baignoire

 

C : Comment et par qui vous vous fournissez ?

AP : On travaille exclusivement avec des fournisseurs de Bordeaux et de la CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux), comme Bois du Monde ou Beaumartin. On reçoit du bois brut découpé et non traité qu’on dégauchit et rabote avant de le travailler.

 

C : Comment s’est passée la création de votre entreprise ?

AP : On a monté l’entreprise le 1er juin 2015. Avec Maxime, on s’était rencontrés deux ans auparavant à Clermont-Ferrand, il venait alors de terminer sa formation. N’étant pas Clermontois ni l’un ni l’autre, nous avions décidé de quitter la région. Maxime avait trouvé du travail de menuisier poseur sur Bordeaux, ce qui était très bien car il n’était pas formé au travail de pose à ce moment-là mais travaillait uniquement en atelier. Il réalisait les meubles et les voyait partir.
Moi, j’ai eu un parcours dans la vente et je n’étais pas très heureuse en tant qu’employée. Mon dernier travail, c’était commerciale en espaces publicitaires. Je ne rencontrais quasiment que des artisans et un jour l’un d’eux m’a dit « si votre conjoint a un savoir-faire, il faut l’exploiter et monter votre boîte ». Cela avait fait écho et c’est comme ça que nous avons finalement décidé de nous lancer.

 

Objets déco par Perle d’Ébène

 

C : Avez-vous reçu du soutien pour le lancement de votre projet ?

AP : On avait le soutien et le conseil d’anciens employeurs de Maxime. J’avais de mon côté fait auparavant une formation en création d’entreprise avec Pôle Emploi car je savais depuis longtemps qu’un jour j’allais monter ma boîte. J’étais donc déjà formée et préparée à ce que ça allait être. Nous avions aussi le soutien de nos familles. En dehors de cela, on n’a pas été suivis.
Maxime veut vraiment faire perdurer le métier d’ébéniste. C’est pourquoi on a recruté des apprentis, pour développer le métier, éviter qu’il ne s’appauvrisse. Plus tard, Maxime souhaite devenir professeur et donner envie aux jeunes de devenir ébénistes.

 

C : De quoi est composée votre offre précisément ? êtes-vous spécialisés sur un produit particulier ?

AP : On voudrait développer le style contemporain design. C’est une question de génération et, de fait, cela correspond à ce qu’apprennent les jeunes aujourd’hui en CAP puis plus tard en BTM (Brevet Technique des Métiers), BMA (Brevet des Métiers d’Art) puis encore plus durant le BTMS (BTM Supérieur). Nous ne sommes pas une ébénisterie traditionnelle et notamment, on ne fait pas de restauration.
Pour parler de ce qu’on fait actuellement, j’ai effectué une distinction entre trois types de prestations. Nous allons avoir d’abord l’ameublement, qui regroupe tout type de mobilier intérieur (pour le moment, on reste spécialisés sur l’intérieur de la maison) ; puis l’aménagement qui désigne tout ce qui va rester lorsqu’une personne déménage : le dressing, la cave à vin, le mobilier de cuisine ou de salle de bain, … ; et enfin la décoration et les objets qui comprend l’habillage mural, les miroirs, les tableaux. Nous avons développé une gamme de supports à planches de surf, travaillé avec une agence événementielle pour leur borne photo, … nous n’avons pas de devis minimum.

 

Changement de style pour le bar du restaurant du Casino de Lacanau (33)

 

C : Vous travaillez beaucoup avec des architectes d’intérieur ?

AP : Oui, de plus en plus. On travaille en particulier avec une architecte d’intérieur partenaire pour qui on intervient auprès de particuliers, potentiellement dans toutes les pièces de la maison. Dernièrement pour l’un de ses clients, on a créé un meuble à chaussures dans l’entrée, recouvert tous les murs d’une chambre pour installer un bureau sur un mur, des étagères sur un deuxième, des rangements avec une arche sur un troisième et un dressing pour le dernier. Dans la salle de bain, on a mis en place des étagères en chêne massif et en verre, vraiment magnifiques. Pour une autre maison, on a mis en place des tasseaux ajourés noir brillant pour l’entrée et des portes de placard avec tiroir puis un meuble télé et des étagères. C’est très varié.
Autre exemple, on a été contactés par un architecte récemment pour faire le bar, la verrière ainsi qu’une trappe communicante entre la salle et la cuisine pour un restaurant qui ouvre dans deux semaines à Bordeaux.

 

C : Avec quels autres artisans travaillez-vous ?

AP : En sous-traitance ou en collaboration, on travaille avec des métalliers pour le piétement, des tailleurs de pierre pour les plans de travail. On se décharge de tout ce qui est plomberie et électricité pour se concentrer sur notre cœur de métier, donc s’il faut par exemple réaliser un meuble high-tech, on va forcément travailler avec un électricien. C’est notre objectif aussi de développer des objets qui sortent un peu de l’ordinaire.

 

C : Comment est-ce que vous faites pour vous faire connaître ?

AP : Nous avons le site internet, une page Facebook, Instagram et Houzz, on est aussi sur LinkedIn… Dès que nous avons terminé un projet, je fais un suivi des photos, du texte à rédiger et enfin je cartographie les emplacements web sur lesquels j’ai créé une publication. Ensuite, je fais partie de différents réseaux professionnels comme le BNI, le Club des Entrepreneurs du Médoc et le CACBN (Club d’Entreprises du Nord Bassin d’Arcachon). Dernièrement, j’ai été élue ambassadrice de la CMA (Chambre des Métiers et de l’Artisanat), ce qui constitue un plus en termes de visibilité pour nous.

 

Bureau de style contemporain design

 

C : Qu’est-ce qui fonctionne le mieux ?

AP : Le BNI, ça marche beaucoup à condition qu’on s’y investisse. Il faut jouer le jeu et être disponible une fois par semaine à 7:00, inviter du monde pour agrandir le groupe, … cela demande beaucoup d’investissement, mais ça marche.
Nous ne sommes pas originaires de la région avec Maxime et notre entreprise est sur un emplacement caché. Il y a beaucoup moins que la moitié de la population canaulaise qui sait qu’il y a un ébéniste ici. Le fait de faire des soirées avec de clubs pros est donc important, et c’est mon travail !

 

C : Quelle est votre périmètre d’intervention ?

AP : On intervient beaucoup en Gironde, principalement à Lacanau et dans les villes autour, et de plus en plus à Bordeaux. Pour le moment, le plus loin qu’on ait fait, c’est une livraison de mobilier pour un bar à vin à Saumur (49). On a aussi collaboré sur le travail d’une pièce qui est partie pour une boutique de luxe à Hong-Kong. C’est une fierté pour nous et cela va dans le sens de notre axe de développement souhaité.
Nous avons commencé par de petites choses au départ et il a fallu du temps pour gagner la confiance de nos clients. Actuellement, nous allons plus vers des pièces plus élaborées, comme ce que nous faisons en ce moment pour le casino de Lacanau. Nous aimerions pouvoir présenter de belles réalisations et affirmer que notre petite entreprise sait quand même faire de grandes et jolies choses !

 

Table « Dark Moon » réalisée en MDF (Medium Density Fiberboard) et feuilles de placage