Compagnon du devoir dans le bâtiment depuis 1989, Sébastien Bouillon est à la tête d’un bureau d’études spécialisé dans les structures en bois. CoFaber est parti à sa rencontre à Cholet. Il évoque dans cet entretien sa forte implication pour promouvoir la filière bois dans la construction et du rôle du BIM (Building Information Modeling ou modélisation des données du bâtiment) pour répondre aux exigences actuelles du bâtiment.
CoFaber : Sébastien, pouvez-vous nous présenter en quelques mots les activités de Synergie Bois B.E.T. ?
Sébastien Bouillon : Nous fournissons des prestations de dessin, calcul et conception pour répondre à des besoins de construction ou d’extension de bâtiments complexes. En fait, nous pouvons intervenir à chaque fois qu’il y a une problématique de construction impliquant une structure en bois dans un bâtiment.
Nous sommes six personnes dans cette entreprise : quatre ingénieurs d’étude, une secrétaire comptable et moi-même. Nous travaillons principalement en partenariat avec des architectes, maîtres d’œuvre et entreprises de construction dans le cadre de projets relativement complexes.
C : Quel est le rôle de ces ingénieurs dans l’entreprise ?
SB : Déjà, ce sont tous des Compagnons du Devoir ! Je confie des projets suivant les compétences, avec comme particularité le fait que chacun est autonome sur son projet. Ce n’est pas le modèle qui est le plus rentable économiquement, par rapport à celui où chaque salarié aurait des tâches spécifiques qui lui sont attribuées. J’ai cependant fait ce choix car je tiens à ce que chaque ingénieur ait la vision globale du projet, avec tous les aspects qui entrent en jeu.
C : Pouvez-vous nous citer quelques exemples de projets sur lesquels vous avez déjà travaillé ?
SB : Nous avons participé à la réalisation du Centre Georges Pompidou de Metz. Comme vous pouvez le voir sur cette photo (ci-dessous), la structure bois de ce bâtiment est très atypique et complexe, et il n’était vraiment pas évident de réaliser cette forme plutôt audacieuse dessinée par l’architecte Shigeru Ban. Mais comme je le dis souvent, on trouve toujours une solution.
Autre exemple assez intéressant : la Cité du Vin de Bordeaux. Nous avons participé à la réalisation d’une partie mineure de ce bâtiment de prestige, mais cette participation a été déterminante dans la cohérence de la structure bois. C’est une fierté pour nous.
Le Centre Georges Pompidou de Metz : "La structure bois de ce bâtiment est très atypique et complexe".
C : Et en ce moment (juillet 2019), quels sont les projets majeurs en cours ?
SB : Nous travaillons pour la piscine olympique de Rabat, un groupe scolaire à Drancy, en région parisienne, et un hangar à sel dans le département 42. Il y a aussi un projet pour des bâtiments industriels en cours de montage, en région parisienne également.
C : Comment trouvez-vous vos clients ? par prospection commerciale ?
SB : Je ne fais pas de prospection commerciale. Nous avons déjà du mal à honorer les demandes ! On se positionne sur des projets à partir de rencontres et de discussions avec des gens dans mon entourage professionnel.
C : Vous avez cité jusque-là uniquement des bâtiments publics. Est-ce qu’il vous arrive de travailler pour des maisons individuelles ?
SB : C’est plus rare, mais cela peut arriver. On fait appel à nous lorsque la structure bois demande du travail de conception du fait de sa complexité.
C : Vous êtes depuis vos débuts en 1989 un spécialiste du bois très attaché à promouvoir cette filière. Pourquoi cet attachement à ce matériau ?
SB : Le bois est un matériau vivant que je trouve noble et très esthétique. Il a en plus l’avantage d’être 100% naturel, sain et très écologique.
C : Et en dehors du bois, j’ai vu sur votre site web que vous intervenez également sur les structures métalliques…
SB : Oui, nous savons aussi répondre à des demandes sur des structures en métal. En partenariat avec de l’entreprise Orégon, présente à Bordeaux, Lyon et en région parisienne, nous sommes en capacité d’intervenir sur un périmètre plus large incluant les structures en béton.
C : Parlons du BIM. Vous êtes un spécialiste en la matière. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce concept dont tout le monde parle dans le monde du BTP ?
SB : Je suis effectivement très impliqué dans ce domaine puisque je suis formateur et intervenant BIM dans plusieurs écoles d’ingénieurs dont l’ENTPE Lyon et au CSTB [NDLR : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment] ; je suis aussi testeur des versions de développement pour des éditeurs de logiciels BIM.
Le BIM, c’est un ensemble de procédures mis en place dans le contexte actuel de transformation numérique qui touche aussi le bâtiment. En quelques mots, le BIM permet de centraliser l’environnement de travail de conception autour d’une maquette numérique unique 3D, qu’on appelle Master Model. Celle-ci est accessible à tous les corps de métier acteurs d’un projet, ce qui facilite énormément la coordination entre les intervenants et limite les échecs dus à un manque de coordination. On évite ainsi cette phrase type qu’on rencontre bien trop souvent dans les échanges : « En l’absence de remarque sous 8 jours, nos plans seront considérés comme validés en l’état ».
J’ai déjà rencontré des situations où une gaine arrive sur une poutre, où on oublie de prévoir les mannequins pour les fenêtres… Le BIM a été conçu pour éviter ce type de situation. C’est un outil collaboratif très puissant.
La Cité du Vin à Bordeaux
C : Comment en est-on arrivé à ce genre de situation ? On savait bien construire avant le BIM, non ?
SB : Aujourd’hui, les projets de construction impliquent beaucoup plus d’intervenants. Là où on avait quatre ou cinq intervenants (OPC, Architecte, Bureau de contrôle, Entreprises), on arrive maintenant à parfois plus de dix, chacun avec sa spécialité. Les métiers sont devenus excessivement techniques et complexes pour répondre aux exigences de performance énergétique et de confort des utilisateurs, sans parler des normes.
Sans le BIM, il serait devenu difficile de bien faire discuter tous ces intervenants entre eux. En fait, le BIM va amener plus de discussion, plus d’humain. Il n’est plus nécessaire de mettre en place des réunions à 10 ou 12 personnes où on ne se comprend pas toujours. Comme pour la méthode Lean dans l’industrie, le volume d’informations est réduit, considérant qu’une information n’est importante que si elle est absolument nécessaire.
Pour moi, BIM, c’est aussi « Bâtir Intelligemment et Mieux » ou encore « Bouleversement Interprofessionnel Majeur ». C’est une remise en question de notre manière de travailler. Encore faut-il que les entreprises soient adaptées. Il faut beaucoup de pédagogie.
C : Pour terminer, vous êtes Compagnon du Devoir. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
SB : Chez les Compagnons, on apprend à être à l’écoute des gens. On y inculque des valeurs comme la discipline, la rigueur, … C’est avant tout une formation humaine, il ne s’agit pas tant de former à un métier que de former les hommes par le métier.
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