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Les BAES (Blocs Autonomes d’Éclairage de Sécurité), ce sont ces éclairages qui s’allument en cas d’incident pour indiquer le chemin d’évacuation vers la sortie de secours dans les lieux recevant du public ou des travailleurs. BLOCTECH, jeune entreprise française soutenue par un fabricant polonais, est tout récemment entrée sur ce marché dominé par quatre ou cinq acteurs majeurs.
Son argument ? Des systèmes d’éclairage de secours compatibles avec toutes les marques et surtout sans cadmium, cet élément chimique nocif pour l’environnement et cancérigène. CoFaber s’est rendue à Palaiseau (91) pour rencontrer Anastasiia Aheieva, cofondatrice de cette entreprise.

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Anastasiia Aheieva et Grégory Rabot, confondateurs de BLOCTECH
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CoFaber : Pouvez-vous nous rappeler les étapes-clés de l’histoire de BLOCTECH depuis sa récente création ?

Anastasiia Aheieva : L’entreprise a été fondée en septembre 2018. En novembre 2018, nous avons fait le salon ExpoProtection et présenté nos premiers prototypes au marché. En février 2019, nous avons déposé notre dossier au Bureau Veritas pour obtenir la licence de marque NF, que nous avons obtenue en novembre 2019. C’est donc à partir de cette date qu’on est opérationnels commercialement sur le marché français. Avant novembre, je faisais des ventes à l’export, par exemple pour la Russie. Nous avons équipé un village résidentiel à Moscou, avec notamment des parkings et d’autres endroits devant être équipés.

 

C : Quelle a été la démarche qui a abouti à la création de BLOCTECH ?

AA : Tout a commencé avec la rencontre des Polonais responsables de l’usine TM Technologie à Cracovie. Ils nous ont parlé de leur activité à l’export, ils sont présents en Allemagne, Autriche, Suisse, UK, en Scandinavie, Europe de l’Est et au Moyen-Orient, alors qu’en France ils n’avaient encore aucune activité. Ils avaient en fait du mal à se lancer en France du fait de leur méconnaissance du marché et surtout il leur manquait une équipe. C’est ainsi que nous avons monté cette équipe avec Grégory, mon associé dans le projet ; lui vient du monde de la sécurité et de la maintenance et il a donc une très bonne compréhension du produit et du marché.
TM Technologie a été super dans la mesure où ils se sont vraiment mis à notre service. Bien que nous soyons une petite équipe en France, on dispose d’une puissance industrielle en soutien exceptionnelle. L’équipe design, les machines de placement de cartes électroniques, la production des plastiques et des coffrets en métal, … tout cela est à notre disposition pour nous permettre de proposer des solutions innovantes à nos clients en France. Il n’y a que les batteries qui viennent de Chine.
Comme c’est un marché un peu fermé avec la norme NF, on a tout de suite pensé qu’avec cette capacité d’innovation, on allait pouvoir trouver notre place. On estime le marché français à plus de 120 millions d’euros par an.

BLOCTECH : modèle de BAES (Bloc Autonome d’Éclairage de Sécurité)

Présentation d’un modèle de BAES (Bloc Autonome d’Éclairage de Sécurité) fabriqué par BLOCTECH

 

C : Quels sont aujourd’hui vos canaux de vente et comment arrivez-vous à vous faire connaître ?

AA : C’est le travail de réseau, via les salons professionnels spécialisés ou ailleurs. Je recherche les entreprises et je rencontre les personnes qui peuvent être intéressées en présentant BLOCTECH. Je dis que nous vendons des blocs d’éclairage, mais des blocs d’éclairage pas comme les autres !
Nous vendons des blocs d’éclairage qui sont notamment compatibles avec les principales télécommandes de nos confrères. Cette fonctionnalité est fondamentale et était très attendue par le marché. Avant, lorsque vous installiez une télécommande pour blocs de secours, vous étiez coincé avec le fabricant. Nous, au contraire, nous n’enfermons pas les gens dans notre technologie.

 

C : Je suppose que les clients finaux sont très nombreux ? Comment peut-on les catégoriser ?

AA : Il y a les ERP (Établissements Recevant du Public) et les ERT (Établissements Recevant des Travailleurs). Cela représente énormément de bâtiments ! Dès que vous êtes amené à recevoir des gens de l’extérieur, vous avez l’obligation de pouvoir éclairer les chemins d’évacuation en cas de problème. Nous sommes des fabricants, donc nous ne cherchons pas à vendre en direct aux clients finaux, nos clients sont des installateurs d’équipement électrique.

 

C : Sur quel segment de marché vous êtes-vous positionnés en priorité ?

AA : Un bloc d’éclairage sécurité doit être vérifié tous les six mois, il y a donc un gros marché sur la maintenance de ces équipements, et c’est ce marché que nous avons décidé de cibler en premier. Aller chercher la première installation par le biais des architectes et autres installateurs, cela demande du temps pour se faire connaître et réaliser un travail de prescription auprès des professionnels qui rédigent les cahiers de charge techniques sur ces sujets-là. Nous faisons ce travail de fond en parallèle avec un accueil exceptionnel du marché.
Notre cible pour l’instant, ce sont donc les installateurs et mainteneurs. Ils font le travail de visite périodique de conformité pour s’assurer que tous les blocs qu’ils ont installés fonctionnent toujours correctement.

BLOCTECH : la carte électronique a été miniaturisée

La carte électronique a été miniaturisée.

 

C : Avez-vous jusqu’à présent réussi à vous constituer un réseau d’entreprises partenaires ?

AA : Nous avons des contacts, qu’on a eu dernièrement sur le salon ExpoProtection, mais à l’époque nous n’avions pas encore la norme NF et nous ne pouvons rien vendre sans cette norme ; cela a pris pratiquement un an pour la recevoir. Elle est obligatoire par arrêté ministériel et depuis 2011, sous la pression de l’Europe, on tolère qu’il y ait juste une autre norme européenne. En pratique, aucun installateur n’accepte de prendre le risque d’utiliser des blocs qui soient juste conformes à la norme italienne ou portugaise. Ce logo NF est donc un prérequis pour rassurer tout le monde sur la qualité et la conformité de nos produits.

 

C : Quelles sont les spécificités techniques de vos blocs d’éclairage ?

AA : Ce sont des produits très faciles à installer. Nous avons beaucoup écouté les électriciens installateurs et pris en compte leurs remarques dans la conception de nos produits.
Les plastiques sont souples pour éviter tout risque de fissure lors de la fixation sur le support. Nous avons miniaturisé la carte électronique pour alléger les boîtiers et faciliter leur manipulation. Le fond du boîtier est translucide pour pouvoir facilement ajuster sa position lors de la pose. C’est particulièrement pratique dans le cas d’un remplacement, avec des trous au mur déjà existants. Toutefois, la grande particularité chez nous, c’est la batterie sans cadmium, elle est en lithium-fer-phosphate. Il faut savoir que le cadmium est un élément cancérigène très toxique pour l’environnement. En plus du support à la filière de recyclage des produits électriques, BLOCTECH s’engage à ne pas diffuser sur le marché des produits aussi toxiques que le cadmium. Cette stratégie unique nous a été reprochée vertement par nos concurrents.

BLOCTECH : les produits BLOCTECH sont sans cadmium, avec des batteries « LiFePO4 » lithium-fer-phosphate

Les produits BLOCTECH sont sans cadmium, avec des batteries « LiFePO4 » lithium-fer-phosphate.

 

Nos blocs sont entièrement démontables, donc tous les composants – lignes d’éclairage, carte-mère, batterie – sont remplaçables, alors que ce qui intéresse d’habitude les fabricants, c’est de remplacer les produits défectueux par des produits neufs, créant ainsi des montagnes de déchets inutilement. Nous avons fait exactement l’inverse des acteurs en place : alors qu’ils essaient de vous enfermer dans leur technologie et de vous faire remplacer les produits défectueux par des produits neufs, nous vendons une technologie ouverte et compatible avec les autres marques.
La batterie que nous utilisons est d’une certaine manière surdimensionnée pour l’usage qui en est fait. Elle tient 5 heures, alors que la norme est d’1 heure ; sa performance en luminosité est de 140 lumens alors que la norme est de 45 lumens. Il faut savoir que la norme a été définie en 2001, il y a eu 20 années d’évolutions technologiques depuis. Quand on faisait des blocs avec des batteries cadmium et des lampes à incandescence, et que cela tenait 1 heure à 45 lumens, on était déjà pas si mal. L’usine s’appuie sur un fournisseur à Shenzhen en Chine qui lui assure un approvisionnement de qualité. C’est une sécurité quand on sait qu’elle commande plus d’un million de batteries par an.

BLOCTECH : BAES avec cadre noir et LED Chaudes (2700K) conçu pour les salles de spectacle ou de cinéma

Modèle avec cadre noir et LED chaudes (2700K) conçu pour les salles de spectacle ou de cinéma

 

C : Revenons un peu à la dangerosité du cadmium présent dans les batteries. Comment cela se fait-il qu’on en trouve encore aujourd’hui dans les produits de vos concurrents ?

AA : Nos confrères ont également des batteries au lithium mais ils les vendent très cher, alors que chez nous, cette caractéristique est dans tous nos produits, y compris nos produits d’entrée de gamme. Ils ont des produits sans cadmium au catalogue, mais personnellement, je ne les ai jamais vus installés. Parfois, ils font la promotion de la norme « NF Environnement », mais cela consiste juste en un engagement de traçabilité du recyclage et quand on regarde les statistiques, on voit qu’il y a juste 10% du cadmium qui est recyclé. Le reste part dans la nature sans aucun contrôle. Cette norme est donc de mon point de vue juste une excuse pour se permettre de polluer.
Une batterie au lithium vaut en général plus de deux fois plus cher qu’une batterie au cadmium, mais on n’a besoin de la changer qu’une fois tous les 5 ans au lieu de 2 ans en moyenne pour la batterie au cadmium.
Allons même un cran plus loin dans la réflexion : les télécommandes servent à pouvoir éteindre les blocs si vous avez une coupure planifiée dans vos bâtiments, pour ne pas endommager les batteries – chaque cycle de batterie l’endommage un petit peu. Une batterie au cadmium a 60 cycles avant d’arriver à -80% de sa puissance, et c’est 1 500 cycles pour une batterie au lithium, soit 25 fois plus de longévité. Une autre conséquence des batteries au cadmium sur l’écologie, c’est donc que tous les blocs sont reliés avec du cuivre à leur télécommande. Quand vous êtes dans des gros bâtiments, cela représente des kilomètres et des tonnes de cuivre de câblage, tout cela pour protéger une batterie au cadmium hyper polluante et obsolète.
Pour moi, les télécommandes ne sont plus nécessaires aujourd’hui vu qu’il n’y a plus la nécessité de protéger les batteries si celles-ci ne sont pas au cadmium. Cependant, pour être conforme à la norme NF, nous sommes toujours obligés de brancher les blocs à une télécommande. On réfléchit à comment on pourrait proposer des blocs sans télécommande ou éventuellement connectés en WiFi.

 

C : Vos produits doivent donc être plus chers que ceux de vos concurrents, non ?

AA : Non. Grâce à nos circuits de distribution, nos prix sont tout à fait comparables à ceux de nos concurrents. Nous cherchons à faire la différence sur les fonctions et la qualité pour un prix comparable.

BLOCTECH : BAES connecté en WiFi et BAES de plusieurs formats

De gauche à droite : BAES connecté en WiFi et BAES de plusieurs formats

 

C : Que faisiez-vous avant BLOCTECH ?

AA : Grégory travaillait dans une entreprise de sûreté des installations et dans la protection anti-incendie. Il a installé des systèmes de sûreté et de protection pendant 15 ans, c’est pour cela qu’il a une approche intéressante qui consiste à concevoir des produits tournés vers les installateurs.
En ce qui me concerne, je travaillais dans une boulangerie industrielle en Ukraine. C’est une usine qui produit plus de 40 tonnes de pain par jour. J’étais responsable de l’approvisionnement et de la logistique. Cela fait déjà plusieurs années que j’ai quitté cette usine mais il m’arrive toujours de rêver que j’ai oublié de commander telle ou telle matière première ! C’était très stressant. Je suis ensuite arrivée en France où j’ai travaillé en import-export avec la Pologne avant de lancer BLOCTECH avec Grégory.

 

C : Qu’en est-il de la culture de travail polonaise ?

AA : Je trouve qu’il y a une proximité culturelle entre la France et la Pologne qui est assez étonnante. Il y a un niveau d’ingénierie élevé, des gens qui travaillent très dur et très bien et une sympathie et joie de vivre que j’apprécie chez les Polonais.
Ce sont nos fournisseurs mais aussi nos actionnaires, nos intérêts sont donc très alignés. Ils ont tout intérêt à nous faire les produits qu’il nous faut, le marché français devant être quatre fois plus gros que le marché polonais.

 

C : Pouvez-vous nous citer quelques succès commerciaux ?

AA : On travaille par exemple avec les réseaux Sicli - Chubb et Fyro, des marques dans la sécurité incendie. Globalement, les installateurs et autres acteurs du marché comprennent immédiatement l’intérêt de travailler en direct avec une usine et voient que c’est tout à fait faisable. Nous avons aussi des contrats en cours avec des acteurs majeurs du marché, mais je n’en dis pas plus pour le moment.

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